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Le journal de Soa Hélène
8 septembre 2011

Dodo phare

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Les fous se projettent sur la surface miroitante pour puiser en profondeur. Les dodos, eux, étaient plutôt tête en l'air, dans leur réminiscence de migrations. Il arrivait fréquemment qu'ils oublient les nécessités du quotidien, nourrir leur famille, trouver un abri pour la nuit. Il se retrouvaient alors surpris par tant d'inconséquence, le regard plongé dans la lune, transis et émerveillés d'avoir tout effacé. Mais la lune n'est pas si débonnaire, et plonger dans son oeil, cela ne nourrit guère. Tout au plus les dodos revenaient-ils bronzés de ces nocturnes échappées. Bronzés, et discrètement plus transparents.

 

Les fous, tout le jour, plongent à perdre haleine. Leur blanche propulsion crée des illusions de neige, nuages agités que les marins observent, fascinés et inquiets. Sur le rivage, les dodos divaguaient, ou dormaient, ou divaguaient en dormant, et ne s'inquiétaient de rien. Les marins prirent ombrage de cette nonchalance : pour qui se prennent-ils ces volatiles sans souci de pitance ? Croient-ils qu'il est honnête de s'accommoder d'un clair de lune, d'un lit d'herbe ? Et quand la bise sera venue, ils vont nous tondre la laine sur le dos, voler notre pêche, abîmer nos troupeaux ! Les marins rassemblèrent leurs colères, ce qui ne fut pas difficile.

 

Les fous, la nuit, aimaient alors à se blottir entre deux dodos pâmés. Il y faisait bien chaud, et puis on pouvait s'y protéger des coups de lune, c'était tranquille et même confortable. Quand les dodos commencèrent à s'effacer, les fous ne remarquèrent rien, leur sommeil était profond, les dodos étaient nombreux. Et quand les dodos disparurent vraiment, les fous ne voulurent pas y croire, pendant un long moment. Ils pensèrent : les dodos ont fini par sentir la faim, ils sont allés pêcher, allons donc les aider.

 

Les fous se projettent sur la surface miroitante pour puiser en profondeur. Ils se fracassent sur cette apparence qui leur cache une partie d'eux-mêmes, la plus tranquille, la plus lunaire.

 

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