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Le journal de Soa Hélène
26 janvier 2009

Rotaka

26 janvier. Le gris sombre de la colère s'élève en volutes lourdes aux quatre coins de la ville, en colonnes qui n'en peuvent plus de supporter ce bleu menteur, cette misère crasse. Le président s'est offert un bijou de luxe, un avion de pointe pour s'évader plus vite. Le président a saisi l'occasion d'une interview retransmise par plusieurs chaînes de télévision pour fermer celle du maire de la capitale, son opposant, qui lui est si semblable. Le président nourrit le projet de céder la terre des ancêtres aux Coréens. Le ton monte, et le tout part en fumée.

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Mais la colère s'estompe vite, car voici qu'on peut vider les entrepôts en toute impunité : l'armée a lâché le président voyou, durant tout l'après-midi on peut aller se servir et repartir d'un pas tranquille, le sourire aux lèvres, poussant qui un réfrigérateur énorme, qui une armoire, trimballant sacs de riz et télévisions, ordinateurs et étagères. Des magasins, il ne reste que les murs après le passage de la meute. Aucune agressivité dans l'air d'Ankorondrano, mais des dégâts collatéraux, déjà : un militant du maire exécuté par un gardien mercenaire de la télé du président, des gamins piétinés, écrasés par la chute des piles de sacs de riz, vingt-cinq corps calcinés dans un centre commercial incendié.

La lecture des quotidiens fait monter les larmes aux yeux, mais le jeune maire pavane, oui il est prêt à gouverner, bien qu'il n'ait aucune légitimité, oui il « contrôle la situation », non il ne regrette rien. Ni ces gamins sacrifiés, ni les archives de la télévision nationale qui elle aussi a brûlé, ni les commerces réduits en poussière que les assurances refuseront d'indemniser. La foule s'est crue riche pendant quelques heures, et le pays va le payer pendant des années.

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